La 3 ème édition du Festival
DU 13 AU 15 JUILLET 2007

Troisième Edition du Festival de la Culture Amazighe à Fès Sous le Signe de l’Unité du Maghreb

Du 13 au 15 juillet s’est tenue la troisième édition du Festival de la Culture Amazighe à Fès sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Organisé par l’Association Fès-Saiss en partenariat avec la Fondation Esprit de Fès, la Wilaya de Fès, l’Institut Royal de la Culture Amazighe et la Fondation BMCE, ce festival a été à la hauteur de son excellente réputation, avec ses 20 concerts et ses 110 artistes, souvent triés sur le volet. Le festival a comporté de grandes manifestations de la chanson amazighe à travers ses aèdes, poètes et artistes chanteurs des différentes régions du Royaume pour rendre hommage à un patrimoine littéraire et artistique universaliste.
Pendant ce festival un vibrant hommage a été rendu aux chanteurs et poètes Mimoun Ourehou, Lacen Ouaarab (Moyen Atlas), Malika Domrane, Abder Oulahlou (Algérie), Najib Amazigh (Rif) et Groupe Archach (Souss) pour leurs grands talents et leurs apports artistiques indéniables à la chanson et à la culture amazighes.
Le festival comportait aussi des activités artistiques amazighes, des chants et danses amazighes représentant les différentes régions du Maroc, en plus des expositions d’œuvres d’art, de tapis berbères et de livres, de bijoux et de produits de l’artisanat Amazighe.
En plus de la musique et de l’art, ce rendez-vous comprenait un colloque international sur le thème « la culture populaire et les défis de la mondialisation : une perspective maghrébine ».
Ce colloque a aussi été une occasion de présenter des potentialités créatives qui ont marqué et qui continuent de marquer de leur empreinte la culture amazighe. C’est dans cette perspective que le festival a rendu un vibrant hommage particulier à M. Mahjoubi Aherdan pour toutes ses contributions à l’art et à la culture amazighs.
L’objectif du festival était de rendre visible et faire vivre l’apport de la culture populaire aux niveaux économique, social et culturel, et de réfléchir aux moyens à mettre en œuvre pour promouvoir cette culture dans toutes ses manifestations.
Le colloque était une belle opportunité pour les experts, les chercheurs et les acteurs de la société civile de débattre des questions relatives à la culture et à la littérature amazighes et leurs rôles dans le développement humain.
La séance d’ouverture a été marquée par la présence de plusieurs ministres et élus et leaders politiques, notamment Mahjoubi Aherdan, Mohamed Boutaleb, Mohamed Mouhattane, le Wali de la région Fès-Boulemane Mohamed Gharrabi, le Président du Conseil de la ville de Fès Hamid Chabat, le Recteur de l’Institut Royal de la Culture Amazighe Ahmed Boukous, et la Présidente de la Fondation BMCE Dr. Leila Mezian Benjelloun.
Les interventions scientifiques très intéressantes ont été enrichis par des débats de haut niveau. Ainsi, M Moha Ennaji (chercheur universitaire) a indiqué que nous avons pour la première fois en histoire une reconnaissance officielle de la dimension amazighe. Depuis la création de l’Institut Royal de la Culture Amazigh, la langue amazighe ne sera plus limitée aux confins du foyer, des amis intimes, et aux régions rurales surtout après son introduction dans le système éducatif.
Mustapha El Adak (INALCO, Paris) a discuté de l’évolution de la chanson rifaine. Il a indique que telle qu'elle se pratique aujourd'hui, la chanson populaire rifaine brasse en elle des harmonies, des rythmes et des timbres de voix empruntés directement ou inspirés de plusieurs musiques aussi bien nationales qu'internationales.
Pathos et anthropos dans la poésie amazighe et le titre de la communication de Bassou Hamri (Faculté des Lettres de Beni Mellal). L’intervenant a montré que la poésie amazighe, en tant que produit littéraire oral, et donc culturel, fournit un apport anthropologique et psychologique du milieu où elle s’élabore et où se trouvent posés avec acuité les problèmes de la valeur esthétique, intimement liés à l’évolution culturelle.
De sa part, Ali Fertahi (Faculté des Lettres de Béni Mellal) a débattu de la réalité imaginaire dans la poésie du Moyen Atlas. Il a indiqué que la poésie amazighe du Moyen Atlas est le reflet d’une réalité, visible ou invisible. Le rapport au réel dépend des courants littéraires, des modes certes, mais encore des conceptions purement personnelles que se font certains artistes de leur art.
Fouad Saa (Faculté des Lettres Saiss) a discusté du thème "La poésie amazighe au service du développement culturel à Figuig". Pour lui, la poésie est un vecteur de la cohésion sociale et le reflet de l’attachement aux valeurs humaines et locales de la communauté.
Mohamed Djellaoui (Université de Tizi Ouzou) a dressé un tableau sur les spécificités de la poésie amazighe en Algérie, poésie selon lui, qui se caractérise par sa beauté, son symbolisme, et son réalisme.
Cette poésie kabyle reflète vivement la vie quotidienne et sociale de la communauté.
D’autre part, Fatima Sadiqi (Cherecheure Universitaire, Fès) a débattu des racines culturelles du féminisme marocain. Elle a souligné que le mouvement féministe marocain n’est pas importé de l’occident, mais il est ancré dans ses traditions et sa culture arabo-amazigh-musulmanes.
Selon l’intervenante, le féminisme marocain est imbibé de la tradition islamique et de la culture populaire marocaine.
Hammou Azday (Universitaire à Rabat) a affirmé que la promotion de la culture et la culture de développement amazigh, est une tradition promise et transmise, de père en fils, à travers les ères, depuis la nuit des temps. Cette culture a contribué à la formation d’hommes, durant des ères, de la méditerranée jusqu’au de là du fleuve du Niger et du fond de l’océan Atlantique jusqu'à la rive Ouest du Nil, un potentiel humain dont le savoir a outrepassé ces frontières.
Aziz Kich (Université Cadi Ayad) a débattu le thème de la création artistique, le développement humain et les défis de la mondialisation. En prenant appui sur la culture amazighe plus particulièrement, l’intervenant a montré comment les modes de production traditionnels et l'oralité, dans laquelle cette culture s'est confinée des siècles durant, l'ont paradoxalement protégée de l'assimilation et de la disparition.
Mohamed Taifi (Université de Virginie) a traité le thème de la mouvance dans la poésie amazighe. Rares pour ne pas inexistants sont les poèmes amazigh qui ne parlent pas des déplacements, a-t-il indiqué.
Fidèle à leur culture ancestrale basée sut les déplacements de transhumants à la recherche des pâturages, Les Imazighens ne conçoivent pas la possibilité d’une vie sédentarisée et fixe quelque part. Pour eux, la vie est accompagnée de mouvance et de déplacements successifs.
Nadia Yaqub (University of North Carolina) a discuté de la culture populaire palestinienne et de son lien étroit avec la production cinématographique. En se basant sur les films du producteur palestinien Hany Abu As`ad, elle a mis l’accent sur les conditions très précaires et inhumaines dans lesquelles les palestiniens, sont forcés de vivre par l’occupation israélienne. Elle a montré images à l’appui, l’état de destruction et de désespoir dans les territoires palestiniens occupés.
Malgré cela, le peuple palestinien continue de lutter pour préserver son identité et son authenticité culturelle par tous les moyens.
Lahcen Oulhaj (Faculté de Droit, Rabat) a montré l’apport de la culture amazighe dans le développement social et économique. L’intervenant a précisé que c’est en développant les choses que nous sommes les seuls à pouvoir développer que nous excellerons. Il est donc essentiel de puiser dans nos racines culturelles pour pouvoir être original et créatif.
Jilali Saib (Faculté des Lettres, Rabat) a précisé qu’en ces temps où la mondialisation et la globalisation ont investi le champs culturel, il convient de s’interroger sur le devenir et l’avenir de la culture populaire marocaine. Au niveau national, quoique longtemps minorisée et dépréciée aux yeux des élites (qui lui préfèrent la culture savante), notre culture populaire marocaine (avec toutes ses composantes) a réalisé un formidable « come back » durant la dernière décennie du 20ème siècle, « come back » qui se consolide au fur des années.
Meryem Bent Ahmed Hassan Lahwayaj (Université Nouakchot) a donné l’historique du peuple amazigh en Mauritanie, en soulignant l’importance des Senhaja, Zenata, et Lemtouna, qui ont gouverné le Maroc et la Mauritanie. De nos jours, la culture amazighe est toujours vibrante en Mauritanie, et les coutumes et traditions amazighes sont encore pratiquées dans la plupart du terroir mauritanéen.
Mohamed Seghoual (chercheur universitaire) a présenté la poésie rifaine notamment »L’épopée de Dhar Ubarran, épisode chanté de la guerre du Rif (1 921) ». Il a également passé en revue le mode de production musical de l’époque ayant trait à la tradition orale qui fut, sans conteste, celle des Imedyazen (rhapsodes ambulants), par excellence et des instruments de musique d’accompagnement. John Shoup (Université Al Akhawayn) a discuté de la musique contemporaine (Saharan Blues) en Mauritanie, sud de l’Algérie, Mali, Niger et Sénégal. Cette région est marquée par un métissage des cultures et ethnicités. La musique reflète la composition multiculturelle et multiethnique de cette région.
Quelle mobilisation du patrimoine pour le développement ? Tel était le titre de la communication de Lahsen Jennan (Université de Fès). Pour lui, le patrimoine constitue une ressource susceptible d'affirmer une identité et un sentiment d'appartenance à un territoire.
Sa valorisation est à la jonction des hommes et de leur territoire de vie à savoir: la société, son économie et sa culture. Maria Angels Roque (Institut Méditerranéen, Barcelone) a débattu du voyage dans les espaces civiques marocains. Elle a débattu de la tradition amazighe dans le champ associatif et la transformation moderne apportée par les associations notamment dans la région Souss et l’autre de la Vallée du Dra.
Les participants au colloque ont ensuite débattu du lien entre la culture, l’histoire, la langue, et la littérature amazighe, et le développement humain. Ils ont recommandé la promotion d’une stratégie culturelle à même de remédier aux lacunes des systèmes d’éducation et de formation en vigueur. Les intervenants ont également discuté des mécanismes communs qui prendraient en compte les intérêts de toutes les parties concernées pour intégrer de façon efficace la culture amazighe dans le système éducatif et dans l’espace médiatique. Le colloque a été marqué par l’atelier animé par le grand dramaturge marocain Ahmed Tayeb Laalj et par les interventions de l’écrivaine Mme Fatema Mernissi et de l’écrivain Youssouf Amine El Alamy sur le rôle de la culture populaire dans la préservation des traditions et coutumes marocaines et sa place importante dans leurs écrits.
Lors la séance de clôture, les participants on fait les recommandations suivantes :
-Intégrer la langue et la culture amazighes dans l’éducation et les médias
-Utiliser les moyens technologiques offerts par la mondialisation pour la promotion de la culture amazighe
-Promouvoir la culture amazighe en tant que composante essentielle de la culture marocaine.
-Améliorer la condition de la femme amazighe vecteur du développement humain.
-Encourager le passage à l’écrit de la tradition orale amazighe sans perdre de vue l’authenticité de cette culture.
-Produire des programmes intéressants relatifs à la culture populaire marocaine et à la culture amazighe en particulier
-Mettre en place les manuels scolaires pour appuyer l’enseignement de l’amazigh.

Photos de la galérie